Et encore un carton de M.-A. M. !
La fratrie Morlevent réunit quelques profils assez contrastés : Siméon en est jusqu'ici l'aîné, il a 14 ans, il est laid et surdoué (il passe le Bac cette année). Morgane, 8 ans, laide, surdouée et fréquemment oubliée. Venise, 5 ans, très belle et très conne.
Bon. Il faut avouer que, présenté comme cela, c'est un peu bizarre. Normal : c'est ainsi que Murail elle-même présente le tableau. Continuons : les trois enfants Morlevent ont vu leur père disparaître dans la nature il y a quelques années de ça. Non pas que ça ait constitué une surprise : il avait déjà planté ses deux foyers précédents dans le décor. C'est comme ça. Le problème, c'est plutôt quand la mère de Siméon, Morgane et Venise vient à se suicider en avalant des produits d'entretien. Les trois enfants sont placés illico presto en foyer. Alors que la juge d'instruction et l'assistance sociale se cassent déjà la tête pour tenter de trouver un foyer commun (pour ne pas casser la fratrie), surgissent un demi-frère et une presque-demi-soeur. Le premier, sorte de gigolo irresponsable, sans boulot, passionné de jeux vidéos. La seconde, ophtalmo, riche à en mourir d'ennui, convenablement mariée, et n'arrivant pas à avoir un enfant...
Josiane, pour ne pas la nommer, va donc tout logiquement faire une fixation sur Venise, cette petite fille très mignone, tombée du ciel comme un cadeau providentiel. De presque-demi-soeur, Venise pourrait devenir une petite fille modèle pour Josiane. Sauf qu'il y a les deux laidrons, Siméon et Morgane, qui semblent faire partie du même paquet. Pour le moment, Josiane les abandonne à Barthélémy, "Bart" pour les intimes, le demi. Bart ? Beau et con, comme Venise. Les deux filles sont sous le charme de leur nouvel aîné. Avec Siméon, ça coince un peu au départ.
Jusqu'à ce que le destin commence à s'acharner sur les Morlevent...
Marie-Aude Murail compose ici un roman particulièrement attachant, poignant bien qu'aussi drôle (sinon plus) que Ma vie a changé. Il y a du J. D. Salinger là-dedans, si l'on se souvient en particulier de l'idée de fratrie dans Franny and Zooey, ou encore de la tendresse de Holden pour Phoebe dans le mythique et inégalable Attrape-coeurs.
Mieux encore que pour Maïté Coiffure, on se dit que ce roman est composé comme un bon téléfilm sur lequel on aimerait tomber un lundi soir. Chacun des membres de la famille éclatée des Morlevent, et même les personnages secondaires qui les entourent, sont non seulement profonds, mais transpirent une sorte de vérité humaine toute simple. Les portraits d'Aimée (la "voisine du dessus" de Bart, véritable martyre), de Nicolas Mauvoisin (je ne peux pas vous dire qui c'est, sous peine de trahir le suspens), de M. Philippe (le Proviseur du lycée de Siméon) sont vraiment frappants. Venise est impayable lorsqu'elle transfère sur Barbie et Ken ses questionnements sexuels de petite fille. Bart, pitoyable dans les premières pages, finit en véritable héros, "Oh, Boy !"
Allez hop ! Lisez-moi ce livre, et que ça saute !
207 pages, éditions Ecole des Loisirs - 9,50 €
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Marie-Aude MURAIL, Ma vie a changé