27 septembre 2005

Le Faucon déniché

Dans un contexte médiéval, Jean-Côme NOGUES nous raconte ici une histoire d'amitié qui tourne mal, entre un jeune manant, Martin, et un magnifique hobereau trouvé dans les branches d'un pin, au coeur d'une forêt, sur les terres du seigneur.

L'HISTOIRE. Martin est un jeune garçon issu d'une famille nombreuse. Son père est bûcheron, sa mère éduque ses plus jeunes enfants à la maison. Martin n'est pas le dernier à aider son père au travail. C'est un garçon de bon tempérament, mais aussi un petit aventurier qui a la bougeotte : il est toujours fourré par monts et par vaux, un peu casse-cou, plutôt débrouillard. Un jour qu'il se promène en forêt, il aperçoit un nid perché au haut d'un pin, et décide d'aller y jeter un coup d'oeil. Il va y découvrir un ami, un jeune et puissant faucon. Martin décide de cacher sa découverte : il enferme le rapace en cage, et lui rend visite chaque jour. Il le dresse. Non pas pour chasser et tuer, mais simplement pour profiter de la liberté du ciel, et revenir toujours là où le garçon l'attend. Lorsque le fauconnier du seigneur s'apperçoit de l'existence du faucon de Martin, et qu'il découvre que Martin a "subtilisé" ce faucon sur les terres du seigneur...

Jean-Côme Noguès, en 1972, écrit cette histoire très belle et très simple, dans une langue écrite, exigeante, littéraire. Il ne se sent nullement obligé, comme Evelyne Brisou-Pellen, de "faire époque" à travers des reconstitutions langagières qui tiendraient plus du folklore que de l'historique. Cette histoire tient debout, elle est solide et documentée, et elle captivera sans aucun doute une majorité de lecteurs, pendant quelques pages au moins... Quelques personnages secondaires, ainsi que deux ou trois situations momentanées, mériteraient développement, et pour une fois, même la chute est vraiment intéressante.

Et pourtant, on n'aura pu s'empêcher de s'ennuyer énormément à la lecture de ce court roman. Peut-être parce que rien ne dépasse, rien n'est incorrect, rien n'est imprévisible. Ainsi, les manants restent manants, les seigneurs sont posés sur le pied d'estal de leur supériorité raciale, aucun événement (surtout pas la guerre) ne perturbe l'ordre établi. Martin Brichot, ce n'est pas un Garin Trousseboeuf avant l'heure.

Finalement, c'est une littérature jeunesse assez datée que nous découvrons ici. Elle ne se soucie pas des phénomènes littéraires à la Harry Potter, et pour cause. Mais du coup, l'auteur est assez loin de ce que le jeune lecteur exigeant, voire un peu réfractaire aux livres, est en droit d'attendre aujourd'hui. Une lecture à privilégier par affinité avec le thème, ou à la rigueur avec l'époque. Guère plus.

158 pages, coll. Livre de Poche, 1972

(BD) Isaac le Pirate

Un article signé Artagnan :« Isaac le pirate » est un titre de BD mensonger. Car le héros de cette aventure n’a de pirate que le nom. Normal, il est peintre de son état. J’allais dire, peintre de formation, mais est-on peintre de formation ? Bref, le sabre et le bandeau lui vont comme le casque de moto à la bigoudène.

Après cette petite entrée en matière quelque peu vide de sens, il me faut vous présenter l’animal. Nous sommes dans une ville portuaire (on ne sait pas laquelle), au 18ème siècle. Isaac Sofer vit, avec sa fiancée Alice, de la vente de tableaux. La vie s’écoule paisiblement, jusqu’à ce qu’un mystérieux personnage, qui se dit chirurgien de marine, le convainque d’embarquer pour un court voyage afin qu’il peigne la vie à bord de son navire.

Le court voyage s’avère être une traversée de l’Atlantique, direction les Amériques, en compagnie d’une bande de pirates plus pitoyables que méchants. Et on comprend d’emblée la philosophie de notre héros : il accepte la trahison sans piper mot. Cette première réaction, pour étonnante qu’elle paraisse, va guider tout le récit. Isaac semble accepter les évènements avec une fatalité déconcertante. Rarement on le verra prendre l’initiative. Pourtant il a du caractère, pourtant il l’aime, sa jolie Alice. Mais il va se laisser guider par d’autres que lui dans une aventure qu’il n’a pas choisie. Dans cette suite de rencontres improbables avec des personnages de tout poil, bourgeois ou petites gens, son amour pour Alice ne va cesser de grandir. Et jamais il ne cessera de dessiner.

Isaac, traînant sa carcasse en mer, aux Amériques puis en Europe, en compagnie du bon Jacques, est un personnage bougrement attachant. Attachant parce que complètement perdu et tout entier tendu vers un seul but : retrouver la femme de sa vie. Jacques, fidèle compagnon de déroute, va l’aider dans cette quête. Les histoires annexes n’ont aucune importance : ce qui compte, c’est Alice. Le dessin de Blain peut être extrêmement chaleureux, comme il peut trahir une incroyable noirceur (notamment dans le tome 2, « Les glaces »). A la différence de Sfar, il s’inscrit davantage dans un style qui pourrait s’apparenter à la ligne claire, mais dans une variante moins « assurée » (si si, je vous jure). Ses personnages sont d’une extraordinaire expressivité, et les situations sont souvent cocasses. La réussite de cette série tient également au fait que Blain insuffle une dose de poésie au récit, faisant de son personnage un grand incompris, genre poète maudit. A cette différence près qu’Isaac s’en sortira, lui.

48 pages, coll. Poisson Pilote - 9,80 €

24 septembre 2005

(BD) Le Chat du Rabbin

Le quatrième tome de ce cycle de Joann SFAR vient d'arriver dans les bacs des libraires. Un cinquième tome est d'ores et déjà annoncé.

Des BD qui abordent le sujet sensible et somme toute intellectuel des religions monothéistes et de leur histoire, a vue de nez, il n'en existe pas des tas. C'est pourquoi ce cycle de Joann SFAR peut déjà nous intéresser a priori. Qui plus est, Joann Sfar est reconnu, à juste titre, comme l'un des auteurs par lesquels le renouvellement de la BD arrive depuis quelques années déjà. On peut souligner au passage le rôle primordial de la collection Poisson Pilote, ainsi que des blogs BD, dans ce phénomène.

L'histoire racontée ici par Sfar, loin des cycles Petit Vampire et Grand Vampire, est paraît-il fortement inspirée par l'univers de son enfance, et en particulier des contes qui l'ont marqué lorsqu'il était petit.

Le chat du Rabbin, héros éponyme de ce cycle, n'est pas très ordinaire : du fait des fonctions de son maître, c'est un animal pourvu d'intelligence, de sensibilté et - on pourrait le dire, quitte à blasphémer - d'une âme. Une âme de philosophe, peut-être, au sens où l'entendrait Michel Onfray, puisque sa philosophie est effectivement une sorte de phase de la vie qui vient "au-delà" de toute croyance religieuse. C'est ce chat qui nous raconte l'histoire, par conséquent.

L'HISTOIRE. Elle est multiple ! Le premier tome parle énormément de religion, et en particulier du credo. Les dialogues entre les différents personnages, et auxquels participe le chat du Rabbin, ont quelque chose de socratique. Les "exposés des faits" religieux sont très abordables, et posent les choses de façon claire, drôle, parfois incongrue. Les deuxième et troisième tomes changent complètement de ton, et nous amènent sur deux pistes parallèles : l'histoire d'amour de la fille du Rabbin, d'une part ; la légende du Malka des Lions, d'autre part. A vrai dire, l'histoire d'amour, après le tome 1, on s'en serait bien passé... surtout que le chat et ses discussions philosophico-religieuses sont vraiment relégués à l'arrière-plan, du coup. Drôle d'idée !
Le quatrième tome revient sur ce personnage du Malka, mais parvient également à faire que Le Chat du Rabbin retombe sur ses pattes : la narration redevient plus originale, plus décousue, moins linéaire, le dessin plus onirique, plus varié, plus abouti. Les personnages, parmi lesquels figurent principalement le chat du Rabbin et le lion du Malka, enchaînent des dialogues sur les grandes questions de la vie, telles le vieillissement, la séduction, la réalité de la fiction (ou l'irréalité de la "vraie vie"), le choix de la mort, l'honneur, l'amour, et surtout l'image qu'on donne aux autres, et celle qu'on a de soi.

Décidément, Le Paradis terrestre et sa suite annoncée nous font une belle occasion de découvrir ou redécouvrir ce Chat du Rabbin, qui après s'être un peu fourvoyé revient à son originalité et à sa force premières. Du très très bon Joann SFAR, et ce n'est pas peu dire !

4 x 48 pages, coll. Poisson Pilote - 9,80 € chaque tome

22 septembre 2005

La Bibliothécaire

Il est des récits, on le sait bien, qui mettent en abîme le récit lui-même, et établissent également des connexions mutliples et variées avec de grandes ou moins grandes oeuvres de la littérature. Ainsi en va-t-il de La Bibliothécaire d'Anne DUGUËL, alias GUDULE.

L'HISTOIRE. Guillaume regarde tous les soirs par la fenêtre une vieille dame, dans l'immeuble d'en face, qui est visiblement absorbée dans l'écriture de ses mémoires. Guillaume a remarqué que, bizarrement, chaque soir, peu après que la vieille dame a éteint la lumière pour aller se coucher, une jeune fille mystérieuse apparaît sous le porche du bâtiment et s'enfuit bien vite dans les rues, sous la lumière de la Lune... Guillaume est tellement intrigué qu'il se résoud à "intercepter" la jeune fille lors de sa prochaine échappée. A sa poursuite, il va se rendre directement à la bibliothèque. Là, en pleine nuit, la jeune fille mystérieuse entre chaque nuit par une petite porte dérobée. Des portes dérobées, il y en aura beaucoup, et particulièrement celles qui vont faire basculer nos deux personnages, ainsi que leurs amis, dans le(s) monde(s) littéraire(s) de Lewis Caroll (Alice au pays des Merveilles), Victor Hugo (Les Misérables), Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince) ou encore Jules Renard (Poil de Carotte) et Arthur Rimbaud...

Dans un récit orchestré en hommage évident à son amour pour les livres, Gudule compose une action remplie de rebondissements, de clins d'oeil plus ou moins évidents à décrypter, d'humour. Lorsqu'on partage avec elle l'amour de la lecture, et la conviction que "la littérature, c'est la vie", on ne peut qu'apprécier à sa juste valeur ce livre sur les livres, qui ne se noie pas pour autant dans les références savantes mais tente plutôt de nous faire accéder très simplement aux rives de grandes oeuvres de notre patrimoine.

Beaucoup de plaisir, donc. Et pourtant, énormément de déception également...
Guillaume a un ami Noir que Gudule appelle Doudou, que le narrateur désigne souvent par la formule "le Black", et à propos duquel tous les fantasmes autour du bon sauvage reviennent au galop, en provenance directe d'une époque coloniale, paternaliste, condescendante. En voici quelques exemples : d'abord, le héros romantique est blanc et s'appelle Guillaume, et le meilleur pote comique s'appelle Doudou... Ensuite, "le Black" ne parle qu'en faisant du rap... Puis, lorsqu'il rencontre une jeune fille de son goût, c'est forcément "une petite Black"... Des mystères irrésolus sur la voie de nos héros ? "Les origines (de Doudou) le PREDISPOSAIENT aux croyances magiques" (c'est nous qui soulignons)... Ne parlons même pas de Doudou faisant du skate (Gudule ignore visiblement que la culture du rap et celle du skate sont très lointaines l'une de l'autre), ni de Doudou volant une pomme sur l'étal d'un marchand pour la dévorer en quelques secondes et en jeter le trognon dans le caniveau, en bon barbare qui n'a ni monnaie ni couverts... ...

Ces "petits détails" de l'histoire composée par Gudule, décidément, nous gâchent notre plaisir, et nous amènent à nous poser quelques questions sur le sérieux de son entreprise. Nous entendons dire, qui plus est, que la littérature de jeunesse va régulièrement dans ces directions, par une sorte de démagogie complice avec le franc-parler impropre des plus jeunes ? Ne nous résignons pas, et appelons un chat un chat : cette histoire est bien belle dans la mesure où elle flatte notre culture livresque blanche et occidentale, mais pour légitimer cette culture, elle n'a pas su se passer d'un vieux fond de racisme. Dès lors, comment conseiller à nos élèves de lire une oeuvre dont nous essayons de combattre, au quotidien, les conceptions intellectuelles ?

191 pages, coll. Livre de Poche

20 septembre 2005

L'Herbe du diable

A l'instar de J. K. Rowling, Evelyne BRISOU-PELLEN a créé elle aussi un personnage récurrent, mi-détective, mi-gamin des rues : il s'agit du célèbre Garin Trousseboeuf.

Dans L'Herbe du diable, l'errance de Garin l'amène aux pieds du palais des papes, du temps où ceux-ci résidaient à Avignon. C'est l'époque qui succède à Pétrarque et à sa Laure, justement avignonaise. Innocent a succédé à Clément, la sobriété au faste.

L'HISTOIRE. Garin, fraîchement débarqué d'un bateau, est pris à parti par un messager du pape. Celui-ci, mourant, lui demande d'achever sa mission à sa place. Garin est impressionné et intrigué par le mystère entourant le message qu'il doit transmettre. Aussi se rend-il au palais des papes, espérant pouvoir remettre en mains propres le précieux message à son illustre destinataire. Mais une fois entré dans le sanctuaire, Garin se trouve vite plongé dans une intrigue qui le dépasse, et implique des hauts responsables de l'Eglise, proches du Pape Innocent en personne... Avec son sens de l'infiltration, ses talents de scribe et son esprit déductif, Garin va fourrer le nez dans cette affaire multiple, et tenter de répondre à ses propres questions. Tout ceci, bien entendu, avec l'aide de Saint-Garin et Saint-Bénezet, crédiou !

E. BRISOU-PELLEN parvient ici à rendre attachant son personnage éponyme, grâce à des traits de sa personnalité qui prètent à sourire, comme la recherche constante de la formule qui le mettra à l'abri des ennuis, ou bien cette position de réflexion, le pouce dans l'oreille et le petit doigt sur la narine... un peu plus et Garin le jeune scribe médiéval communiquerait par messageries interposées avec Saint-Bénezet !

L'auteur de cette série, qui compte désormais plus de 7 titres, a su ici dépasser les quelques impasses d'écriture auxquelles la menaient le diptyque autour du personnage de Guillemette Landais. Garin Trousseboeuf, c'est une autre trempe de héros ! Une lecture amusante, prenante, sans fausse note. Bravo !

215 pages, Coll. Folio Junior - 5,40 €

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Evelyne BRISOU-PELLEN, Les Cinq écus de Bretagne
Evelyne BRISOU-PELLEN, Les Portes de Vannes

14 septembre 2005

Les Portes de Vannes

Voici la suite des Cinq écus de Bretagne...

Le récit composé ici par Evelyne Brisou-Pellen semble beaucoup mieux agencé : une unité plus claire au niveau de l'action, un découpage moins lourd des épisodes respectifs autour de Philippa et d'Estienne. L'auteur fait le choix de releguer carrément certains personnages au second plan. Du coup, on se recentre sur l'essentiel, et ça marche !

L'HISTOIRE. Philippa vit toujours à Rennes. Quatre ans ont passé, Estienne est parti depuis deux ans vivre les aventures dont il avait toujours rêvé, à travers les mers du globe. Un beau jour, Philippa reçoit dans la boutique de Jamet Boisguérin la visite d'un étranger qui la met en garde contre deux bandits qui - selon lui - en auraient après Estienne. Le sang de notre héroïne ne fait qu'un tour : elle file à l'anglaise, dans son habit de garçon. Direction Vannes, où elle pense pouvoir retrouver Estienne et l'avertir du mystérieux danger qui le menace. Au bout du chemin l'attendent des retrouvailles chavirantes avec un jeune homme de 19 ans sur lequel de longs voyages ont laissé leur empreinte. Philippa aura également à mener une enquête palpitante pour trouver ce qu'on reproche exactement à Estienne...

Ce deuxième tome est l'histoire d'une traque, et d'une course contre le temps. Brisou-Pellen pose l'atmosphère à Vannes au moins aussi bien qu'elle le faisait pour Rennes dans le premier tome. Le rythme est aletant, les pages défilent vite.

A tout prendre, il vaut bien mieux commencer la lecture du diptyque par ce deuxième tome et, si l'on en ressent l'envie, enchaîner avec la lecture des Cinq écus de Bretagne à la suite. L'action et ses secrets le permettent.

216 pages, coll. Livre de Poche - 4,80 €

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Evelyne BRISOU-PELLEN, Les Cinq écus de Bretagne
Evelyne BRISOU-PELLEN, L'Herbe du Diable

12 septembre 2005

Les Cinq écus de Bretagne

Dans le cadre de l'étude du récit, ainsi que de la découverte du Moyen Âge, certains romans d'Evelyne BRISOU-PELLEN peuvent être intéressants à découvrir et faire découvrir en classe de 5ème.

C'est le cas des Cinq écus de Bretagne. Il s'agit du premier tome d'un diptyque, qui se poursuit dans Les Portes de Vannes. L'action est située en 1469, dans le vieux Rennes. Guillemette Landais, une jeune adolescente de 13 ans, vient de perdre le dernier parent qu'elle avait. Elle rejoint à Rennes une personne qu'on lui a indiqué, et qui pourra peut-être l'accueillir sous son toit. Il s'agit de Jamet Boisguérin, miseur (c'est-à-dire trésorier) de la ville. Un homme affluent, mais aussi très exposé du fait de ses responsabilités, qu'il endosse en homme honnête, simple et intègre. L'homme accueille Guillemette avec bienveillance, mais lui demande pourtant de faire un mensonge, et de prétendre qu'elle s'appelle Philippa, et qu'elle est la fille orpheline d'une ancienne connaissance à lui.

Philippa, sans comprendre tous les mystères cachés sous tout cela, va bien vite se rendre compte qu'elle vient d'entrer dans une microsociété où tous les enjeux sont tendus : Estienne, l'apprenti de Messire Boisguérin, est un jeune homme rustre et cupide, blessé par le départ de sa mère et du coup très hostile envers la gente féminine. Gilles Boisguérin, le frère de Jamet, lui envie sa réussite et cherche, en mariant sa fille Béatrice, à s'établir comme le plus important notable de Rennes. Philippa va s'attacher au sort de Béatrice, et devenir plus proche d'elle qu'elle n'aurait jamais pu le soupçonner.

Mais c'est encore sans compter avec Lucasse, la servante du miseur, très maternelle mais aussi très dure, Raoulette, la tripière, et puis l'écrivain public... Bref, une belle galerie de personnages posés en quelques coups de pinceaux.

EXTRAIT. « Savez-vous (l'histoire des cinq écus de Bretagne) ? Lorsque le premier propriétaire de cette maison l'a vendue, autour des années 1400 je crois, l'acheteur l'a payée en écus d'or. Le compte a été mal fait et, sans s'en apercevoir, l'acheteur a payé un écu de trop. Le vendeur, ne voulant pas le voler, a déposé en partant l'écu sur la cheminée. Par superstition peut-être, le nouveau propriétaire n'y a pas touché, et a appelé sa maison L'Ecu de Bretagne. Il faut dire que cette monnaie était alors nouvelle. Quand cet homme a finalement revendu la maison, le nouvel acheteur a choisi de la payer un écu de plus, écu qui devait rester sur la cheminée... La tradition s'est maintenue. J'ai acheté la maison "Les Quatre Ecus" qui est devenue la mercerie Les Cinq Ecus de Bretagne. »

On épilogue paraît-il sur l'écriture de BRISOU-PELLEN, à laquelle certains reprochent de ne pas avoir les qualités nécessaires à être étudiée en classe. Pour ma part, je regrette surtout une grande inégalité dans cette écriture : parfois riche, poétique voire inattendue, d'autres fois tombant dans des clichés linguistiques qu'on croyait réservés aux Visiteurs de Christian Clavier... En conclusion, une lecture que les élèves pourront certainement beaucoup apprécier, mais dont l'étude en classe nécessite qu'on se concentre sur les épisodes les plus marquants, sur un plan symbolique ou historique.

Pour les élèves qui auraient particulièrement "accroché" à cette lecture, c'est un atout, évidemment, de pouvoir proposer une suite en lecture personnelle...

219 pages, coll. Livre de Poche - 5,20 €

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11 septembre 2005

(BD) Les Cosmonautes du Futur

Voici un triptyque scénarisé et dessiné par deux auteurs de talents, tous deux issus de la collection Poisson Pilote : Lewis TRONDHEIM et Manu LARCENET.

Gildas et Martina sont deux enfants que le commun des mortels pourrait trouver légèrement "perturbés" : l'un est persuadé que la Terre est envahie de robots déguisés en humains, pour l'autre, il s'agit d'aliens... Lorsque Gildas et Martina se rencontrent à l'école, après une phase d'approches et de rejets réciproques, ils se trouvent bien vite des intérêts et une vision du monde en commun. Pour ne pas laisser prise aux adultes sur leur univers paranoïaque, ils se mettent à parler "Bifteck". Mais Gildas doit traîner sa petite soeur dans toutes ses excursions en compagnie de Martina, et comme Gaëlle aussi est forcément un robot, les investigations de nos deux cosmonautes du futur tournent en déconfiture. Jusqu'à ce qu'un jour, Gaëlle ait un léger accident, qui va faire basculer l'intrigue dans l'imaginaire des deux jeunes héros.

Manu LARCENET et Lewis TRONDHEIM ont commencé à écrire cette histoire en commun bien avant les attentats du 11 septembre 2001, et pourtant, toutes les craintes délirantes de notre époque se trouvent là : les aliens, la robotisation, le clonage, le terrorisme, la perte de l'innocence, le désenchantement des humains... Les situations sont travaillées, et les trois volumes se lisent d'une traite, car ils ne manquent pas d'humour. On peut néanmoins prendre le temps de s'attarder sur de nombreuses planches, tant elles sont riches de la mise en scène orchestrée par deux grands auteurs de la BD contemporaine. Petit défaut qu'on pourra regretter : l'intrigue fait tellement feu de tout ce qui est invraisemblable, et nous prend tellement souvent à contre-pied de nos certitudes de lecteurs, qu'au bout d'un moment, on ne prend plus rien pour acquis, conscients que tout va se renverser deux ou trois fois dans les quelques planches suivantes. Du coup, plus de suspense, plus d'intérêt réel. A moins, bien-sûr, d'être resté un gosse émerveillé... Quand la BD joue le jeu du zapping, en quelque sorte...

La dette de Trondheim et Larcenet à l'univers de Starwars créé par George Lucas est ici énorme, et l'on s'en réjouit.


3 x 48 pages, coll. Poisson Pilote - 9,80 € chaque tome
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04 septembre 2005

James et la grosse peche

Le premier récit pour la jeunesse écrit par Roald DAHL, au sortir de son expérience dans la Royal Air Force, en 1961...

Après avoir perdu ses parents dans des circonstances pour le moins tragiques, le petit James trouve refuge chez ses deux tantes antithétiques (essayez donc de dire ça très très vite !) : tante Eponge et tante Piquette. L'une est très boulimique, l'autre rachitique. James n'y trouve pas son compte.

Un beau jour, un curieux bonhomme sortant d'un buisson tend à James un sachet contenant des petites graines plus brillantes que des émeraudes. Il lui promet, grâce à elles, la réalisation de ses rêves. Mais James, trop pressé de rentrer dans sa chambre pour mettre la recette à exécution et ainsi devenir heureux, se prend les pieds dans une racine et choit. De là l'origine de la Grosse Pêche, à l'intérieur de laquelle James trouvera une meilleure compagnie que celle que lui offrent ses deux tatas bientôt ratatinées.

EXTRAIT. En bas, dans la grande cité de New York, tout le monde fut pris de panique. Une énorme boule, aussi grande qu'une maison, avait été aperçue dans le ciel, juste au-dessus de Manhattan. Déjà le bruit courait qu'il s'agissait d'une redoutable bombe envoyée par une puissance étrangère pour réduire en cendres toute la cité. Toutes les sirènes se mirent à hurler. Tous les programmes de la radio et de la télévision furent interrompus. La population était invitée à gagner immédiatement les abris souterrains. Un million de paisibles promeneurs levèrent les yeux au ciel et virent l'engin monstrueux, prêt à s'abattre sur eux. Alors ils se mirent tous à courir vers la bouche de métro la plus proche. Les généraux se précipitèrent à leurs téléphones et donnèrent des ordres à tort et à travers. Le maire de New York appela le Président des Etats-Unis à Washington pour lui demander de l'aide. Le Président, en train de prendre son petit déjeuner en pyjama, repoussa son plateau chargé de biscuits et de confitures pour appuyer sur toutes sortes de boutons, à gauche et à droite, afin de convoquer tous ses généraux et tous ses amiraux. Et partout sur l'immense territoire d'Amérique, dans tous les cinquante Etats, de l'Alaska à la Floride, de la Pennsylvanie aux îles Hawaii, on sonna l'alerte en annonçant que la plus grosse bombe de tous les temps planait au-dessus de New York, prête à exploser.

Un joli conte, composé dans la veine du Magicien d'Oz de L. Frank Baum, où l'on trouve - en germe - tous les talents de Roald DAHL.

157 pages, Coll. Folio Junior - 5,40 €

Roald DAHL, Charlie et la chocolaterie
Roald DAHL, La Potion magique de Georges Bouillon
Roald DAHL, Le Bon Gros Géant
Roald DAHL, Matilda
Roald DAHL, Sacrées Sorcières
Roald DAHL, Les Deux gredins
Roald DAHL, L'Enorme crocodile