Le Bon Gros Géant
Chose promise, chose dûe : cette présenta-tion est un éloge dithyram-bique du BGG de Roald DAHL.
Après les lectures de Charlie et la chocolaterie et de La Potion magique de Georges Bouillon, celle du Bon Gros Géant peut surprendre, mais en bien. Dès la première page, le récit est composé dans une langue à la fois limpide et superbement poétique. Avant la fin du premier chapitre, le lecteur bascule dans un univers complètement inédit, où on l'amène, en tant qu'Homme, à perdre ses repères.
Le personnage central, Sophie, tient sans doute son nom des très célèbres malheurs d'une de ses homonymes. Quant au BGG, il nous fait parfois penser au Gulliver de Swift : géant pour les uns, nabot pour d'autres. La petite Sophie de Roald Dahl est l'un de ces personnages abandonnés de la vie comme il s'en trouve chez Charles Dickens, l'un des modèles de l'auteur. Mais le monde de Sophie nous plaît d'emblée bien plus que ceux de Charlie ou de Georges Bouillon : misérable par certains côtés, il reste cependant assez mystérieux (on y entre par une belle nuit de brouillard...) et ne verse jamais dans le misérabilisme.
L'HISTOIRE. Une nuit à l'orphelinat, près de Londres, Sophie n'arrive pas à dormir. Prenant son courage à deux mains, et malgré la crainte des représailles de l'institution, elle se lève de son lit dans ce grand dortoir froid et silencieux, et se dirige à pas de loup vers une fenêtre entrouverte. Une fois cachée par les rideaux, elle se met à admirer l'atmosphère de la rue en contrebas. Rêveuse, elle croit voir une silhouette géante arriver vers elle depuis l'autre bout de la rue. Aurez-vous le culot de prendre ce qui va suivre pour une simple divagation dans l'esprit d'un enfant orphelin ? Les géants n'existent pas, me dites-vous, étant donné que vous n'en avez jamais vu de vos propres yeux. Pourtant, Sophie va bel et bien se faire enlever cette nuit-là, depuis la fenêtre de l'orphelinat. La suite de son aventure l'amènera au pays des neuf géants poilus et voraces, mangeurs d'hommes de Terre de tous calibres... puis au coeur de Londres, chez la Reine d'Angleterre en personne !
L'univers créé ici par Roald Dahl n'est pas bêtement féérique : il s'appuie aussi sur le sens de la dérision dont chaque enfant, chaque adulte est capable. Le trajet de Sophie à travers cette aventure, ce que le BGG va lui apprendre sur lui, mais aussi sur elle-même et sur l'Homme en général, tout cela est traité avec un immense talent, ainsi qu'une délectation dans les mots. La langue du BGG permet de bonnes rigolades, car il fabrique sans le vouloir des inversions de syllabes très poétiques, des mots-valises très incongrus. C'est délexquisavouricieux ! Quant au contenu des discussions entre le BGG et Sophie, il est volontiers argumentatif lorsqu'il aborde les grands comportements de l'espèce humaine. Roald Dahl, en ancien aviateur de la Royal Air Force, regrette à travers les mots du BGG que les hommes s'entretuent perpétuellement, et imposent au monde les règles qui les arrangent le mieux. A l'image des indiens, le BGG pratique la chasse aux rêves, mais c'est pour les insuffler ensuite dans la caboche de la marmaille qu'il visite chaque nuit, en vieux patriarche bienveillant.
La structure du récit est efficace, et passe par plusieurs épisodes d'anthologie. Sophie et son ami le BGG traversent le monde, y compris les pays qui se trouvent sur les deux dernières pages blanches des atlas. Pour finir, ils sont investis d'une mission humanitaire d'ampleur internationale. On a envie de croire aux géants, s'ils ressemblent à ce Bon Gros exemplaire. Vous en aurez pour votre compte de surprises et d'émerveillement, c'est garanti jusqu'à la dernière ligne...
Récit paru en 1982 - 231 pages, coll. Folio Junior - 6,60 €
Retour chez Roald DAHL
Roald DAHL, Charlie et la chocolaterie
Roald DAHL, La Potion magique de Georges Bouillon
Roald DAHL, Matilda
Roald DAHL, Sacrées Sorcières
Roald DAHL, Les Deux gredins
Roald DAHL, L'Enorme crocodile
Roald DAHL, James et la grosse pêche
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