02 août 2005

La Mare aux diams

Ouvrons cette 2è Quinzaine avec un excellent bouquin de Charles WILLIAMS (1909-1975) :

Mieux vaut prévenir tout de suite : lire La Mare aux diams en 24 heures vous paraîtra une expérience très lente : le fin volume mérite de se faire dévorer par un lecteur vorace en bien moins de temps que cela. Et il a en magasin tout ce qu'il faut pour y prétendre : un héros à biscotos, une jolie poulette ex-danseuse de cabaret au profil nordique, des gangsters pas commodes, le milieu fascinant et terrifiant de la haute mer, une sacoche de billets, quelques diams et un avion qui gît par une centaine de brasses de profondeurs, quelque part au large du Yucatan...

Lecteurs non-avertis, attention au terme technique : nous sommes ici en présence d'un "récit enchassé". C'est-à-dire qu'un récit à la troisième personne commence, à l'intérieur duquel un personnage se met à lire un livre de bord écrit à la première personne, qui lui-même raconte l'intrigue principale... Vous suivez toujours ?
Nécessairement, le roman se termine sur un retour à la situation de départ. Le personnage engloutit le livre de bord d'une traite, en quelques heures... ce qui implique qu'on en fasse autant !

Si je savais décrire à quoi correspond le polar "hard-boiled" de Dashiel Hammet, Raymond Chandler et autres Chester Himes, je dirais bien que le héros de cette aventure (celle qu'il a écrite lui-même dans le livre de bord) est typiquement un justicier légèrement paumé, mais au grand coeur, et que cela fait de lui le gars un peu dur à cuire parfaitement désigné pour le rôle central des "hard boiled". Mais je peux me tromper. :/

Dans une proportion moindre de ce à quoi il nous a habitués (dans Fantasia chez les ploucs, par exemple), Charles Williams fait tout de même preuve ici de son implacable ironie. Ainsi le soir d'un meurtre et d'une baston mémorable :

« Nous avançons le long du trottoir. Personne en vue. Ce n'est qu'une soirée tranquille comme les autres dans un quartier résidentiel où les scènes de violence ne se déroulent que sur les écrans de télévision. »

Ou encore, en plein désert bleu :

« Je redresse vivement la tête et jette un coup d'oeil circulaire, en me demandant si je ne deviens pas dingue. J'ai entendu une détonation, et, à deux ou trois mètres à ma gauche, un projectile s'est enfoncé en grésillant dans le flanc d'une vague. (...) je suis seul sous le soleil, perdu dans cette immense plaine bleue miroitante, et brusquement la bande-son d'un western vient s'intercaler dans le décor. »

De quoi vous tenir en haleine, quelle que soit votre fréquentation du polar. Du très grand art pour un public acquis d'avance au talent de Mr Williams.
:)

Charles WILLIAMS, Scorpion Reef, 1955
Traduction française par Henri Robillot, La Mare aux diams, éd. Gallimard, 1956.

286 pages, coll. Folio Policier (réimpression avril 2005) - 5,30 €


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