17 novembre 2007

(BD) Blonde platine

Julie et Christophe ont accueilli récemment un responsable des éditions Drawn & Quarterly, dont je vous parle depuis le 24 mars 2006, dans leur sympathique émission Dans ta bulle !. Et le nom d'Adrian TOMINE (né en 1974) est apparu dans leur entretien comme celui d'un de leurs principaux auteurs d'aujourd'hui. Curieux hasard, j'avais failli acheter Summer blonde sur le site web de l'éditeur quelques jours avant d'entendre son nom... alors quand j'ai trouvé la version française dans les bacs de ma médiathèque attitrée, je n'ai pas hésité.

Blonde platine, en bon français, est un recueil de quatre histoires contemporaines qui se déroulent sur la côte Ouest, plus précisément à Berkeley, à côté de San Francisco. Les quatre histoires mettent en scène des personnages différents, bien qu'ils pourraient tous se côtoyer. Ce sont essentiellement des étudiants faussement festifs et de jeunes actifs ennuyés, ou dépassés par la vie d'adulte qu'ils ont pris en pleine poire au sortir de leur adolescence.

Dans "Alter ego", le personnage anti-héros est un écrivain qui peut avoir la trentaine et qui est en manque de créativité. Chaque homme porte en lui un roman génial ; le sien était médiocre, et c'était son premier roman. A la recherche d'une camarade de lycée qui l'a toujours ignoré à l'époque, il ne trouve que la jeune sœur de celle-ci, encore lycéenne, et se complaît à la séduire par esprit de vengeance.

Dans "Blonde platine", l'histoire éponyme, un trentenaire dépressif, frère jumeau du précédent, poursuit une jeune caissière dans les rues de Frisco, espérant lui faire sortir, un jour, plus de trois mots consécutifs, qui formeraient une phrase... le début de quelque chose, quoi. Mais non.

Dans "Alerte à la bombe", un jeune lycéen introverti découvre l'amour par accident grâce à une camarade un peu plus à l'aise dans ses baskets. Le principal thème, ici, c'est ce qui fait qu'on se trouve des affinités provisoires avec untel ou untel, alors qu'on partage des choses beaucoup plus essentielles avec des personnes qu'on n'imagine tout simplement pas approcher un jour.

Ces trois histoires sont au mieux banales, au pire ennuyeuses. Elles s'ancrent à fond dans une société américaine dont nous ignorons le degré de puritanisme. La thèse manifestement soutenue par Tomine est que la jeunesse américaine est dépravée : alcool, drogue, réunions sordides, expériences sexuelles au goût provocateur mais dont personne ne sort grandi. Je sais : Tomine n'a pas l'air d'un auteur à thèse, mais pourtant cette petite morale c'est ce qu'on retient de la lecture des trois histoires résumées plus haut. Et puis, comme dans des nouvelles, Adrian Tomine joue l'effet de chute. Alors pour moi, c'est quand même un auteur "à morale". Entendez la morale de cette histoire..., mais aussi cette histoire est-elle morale ?

La troisième histoire du volume est la seule qui vaille à mes yeux. Elle s'intitule "Escapade hawaïenne" et comme par hasard, c'est la seule des quatre où le personnage principal n'est pas un homme de l'âge de l'auteur, mais une jeune femme. Cette histoire dit la solitude d'une jeune femme face aux hommes, ses conflits face à sa mère dont les valeurs sont ancrées en Asie, son inaptitude à se relever d'un revers professionnel, sa crainte de confirmer tout le bien qu'on attendait d'elle il y a encore quelques années, ses complexes à être un peu "enveloppée", à ne pas être dégoûtée par les hommes plus âgés. Lorsqu'elle est virée, Hillary Chan passe plusieurs semaines isolée dans son appartement à regarder par la fenêtre du deuxième étage. Elle observe avec mépris les passants, eux qui participent à tout ça, les corrompus de l'entreprise. Ça m'a rappelé Taxi Driver, pas moins. Et j'ai apprécié qu'en prenant du recul, Adrian Tomine nous parle enfin un peu de lui. C'est le seul récit à la première personne.

Finalement, Adrian Tomine est un peu descendant de Hergé. D'abord, son trait n'est pas fameux : Kevin Huizenga fait un dessin comparable mais il s'implique dans son œuvre avec tellement plus de talent... Ensuite, Tomine se mêle de morale à la manière de quelqu'un qui se permet de se sentir différent quand ça l'arrange. Il a commencé très tôt à publier Optic Nerve, sa revue. Blonde platine témoigne d'un passage compliqué à l'âge adulte. Croyant montrer le malaise des autres, il montre surtout, je trouve, sa suffisance. Car au fond ça ne vole pas haut, esthétiquement ça ne casse pas des briques rouges, et puis en plus c'est mal traduit.

Bref, Adrian Tomine pour moi c'est la révélation qui a fait « plouf ! »


132 pages, éd. Seuil - 15 €

2 commentaires:

Julie Delporte a dit…

Hay je sors de mon sous-sol et vois ton lien seulement maintenant. Merci ! J'ai plein de projets ici qui vont peut-être te donner envie de venir enfin :)

Nicolas a dit…

OUh la, c'est alléchant ça... pas ton sous-sol, hein, le reste !
;)