19 novembre 2007

La lettre déchirée

« Il faut varier les prétextes, les tactiques. L’une consiste à partir d’un rire irrépressible dès les premières lettres du texte. Tenter de recommencer l’expérience, témoigner de sa bonne volonté, reprendre au début. Bégayer d’hilarité, se tronquer d’une lettre ou deux, lêcher au lieu de lâcher, substituer un rôt à un nôtre, s’arrêter à miche-main du mot pour lui faire dire autre prose : improviser avec aplomb, à partir de quelques lettres piochées ici et là. Et comme il tombe rarement sur le mot juste, provoquer parmi ses camarades une onde de sympathie afin que le professeur, à son tour gagné par la bonne humeur, ne puisse rien lui reprocher. Stéphane a travaillé son rire. Il a longuement étudié les comiques à la télévision. Il n’a pas honte de son corps, il ouvre la bouche très grand et sort toutes ses dents, s’il le faut. Il n’a pas peur de se plier en deux et de s’écrouler sur sa table. Il rit à s’en faire mal au ventre, aux oreilles. Il rit jusqu’aux larmes. Il rit jusqu’à ce que, derrière ses paupières embuées, il juge qu’il a assez ri. Alors il cesse progressivement, il laisse refluer l’hilarité. Quelques derniers soubresauts, un dernier soupir : encore sauvé, encore une partie de gagnée. »

Stéphane, 13 ans, a d’autres tours dans son sac : maladies feintes, quinte de toux subite, oubli du livre, texte mémorisé depuis la lecture de la veille, livre ouvert à la mauvaise page qui soudain, dans la panique, tombe par terre si bien que le tour passe à un autre élève… Personne ne sait qu’il ne sait pas lire : ni son copain Adrien, ni ses professeurs, ni sa mère. Jusqu’à présent, ces tactiques qui n’ont jamais failli. Jusqu’à présent…

Un roman de Ella BALAERT, bien écrit, sans jugements hâtifs, qui peut donner des frissons aux parents comme aux profs, et peut-être, rassurer quelques enfants qui n'auraient que des difficultés à lire…


120 pages, coll. Castor poche - 4,20 €
Une lectrice du BàL

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