Le Fer et la soie
Voilà un livre qui est pour moi une véritable découverte. Mark SALZMAN y fait le récit, avec beaucoup d’humour et d’émotions, de ses deux années passées dans la province chinoise du Hunan, à Changsha, en 1982-1984. Ce jeune enseignant d’anglais surprend tous les habitants, même les intellectuels. D’abord c’est un Blanc, ce qui a pour effet immédiat de tétaniser chaque Chinois qui n’a jamais rien vu de pareil. « Et en plus il parle ! »… le chinois.
Dans ce récit, chaque rencontre, qu’elle soit durable ou éphémère vaut son pesant d’humour et de tendresse. Pan Qingfu, aux sourcils si expressifs, champion national de wushu, est à la fois le maître exigeant du jeune Américain, mais il est aussi son élève, non moins intransigeant : « il faut être honnête, je préférais les moments où il m’enseignait le wushu à ceux où il m’enseignait la façon dont je devais lui enseigner l’anglais. »
C’est un voyage que nous livre le narrateur, mais ce voyage ne se fait pas de ville en ville, mais de rencontre en rencontre. Certaines d’entre elles trahissent une Chine qui, dans le discours, proclame l’Ouverture, mais qui en réalité, est encore ancrée dans la dictature communiste très méfiante à l’égard des pays occidentaux. En effet, les employés de bureau sont souvent enclins à jouer à « inventons un nouveau règlement pour nos amis étrangers ». Même certains professeurs d’université sont emplis du discours propagandiste du Parti : la bombe Hiroshima ? les Américains ne l’ont balancée que pour faire croire qu’ils étaient les vainqueurs, alors que la Chine avait déjà vaincu le Japon par la 8e colonne ! Les journaux occidentaux disent le contraire ? Evidemment : les journaux là-bas sont rédigés par des capitalistes, alors qu’en Chine, ils sont rédigés par le peuple, pour le peuple. Or, comment le peuple pourrait-il se mentir ?
D’autres personnes semblent moins aveugles mais s’abstiennent de toute critique à l’égard du pays. Ainsi, un passionné de littérature prétend impubliables la plupart des œuvres récentes parce que contraires à la philosophie socialiste du pays. Pourtant, ce professeur a lu ces livres d’une traite, et demande même au jeune Américain la faveur de garder Le Monde selon Garp, de John Irving…
Encore un récit publié en collection Jeunesse alors qu’il ravirait aussi une quantité d’adultes…
D’autres romans évoquant la Chine : Dai Sije, Balzac et la petite tailleuse chinoise (sur la Révolution Culturelle), Le complexe de Di (un psychanalyste chinois de retour en Chine…)
346 pages, Gallimard coll. Page blanche - 10,50 €
Une lectrice du BàL
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