Zeropolis
Voici le titre qui a valu une certaine reconnaissance à son auteur, Bruce BEGOUT, pour la qualité de son analyse, mêlant investigation "ethnologique" et abstraction "philosophique" autour d'un thème moderne : Las Vegas...
Bruce Bégout abandonne ici la posture "participante" prise dans L'Eblouissement des bords de route, pour jauger son sujet "à distance". Tout en ayant mené visiblement l'enquête sur le terrain, il n'entre jamais ici dans la peau du joueur végasien, dindon de la farce orchestrée par les casinos et leurs néons. Lorsqu'il décrit le joueur, c'est du point de vue interne, mais sans cesser un instant de dire "il", pour dire "je", "nous", ou "vous".
Aussi lui est-il assez aisé de survoler les bassesses de Las Vegas sans avoir l'air d'y toucher. On est loin de L'Eblouissement des bords de route où l'auteur nous racontait des anecdotes fraîchement vécues et ressenties dans sa chair.
Tous les angles d'attaque sont traités l'un après l'autre : l'histoire de Vegas (documentation et chiffres à l'appui), les témoignages sur Vegas (de Tom Wolfe à divers journalistes, cités de façon "plaquée" en exergue des chapitres, ou repris mot-à-mot alors même que leurs témoignages datent de 40 ans...), le néon à Vegas (l'un des thèmes les mieux développés ici), l'architecture de Vegas, Vegas ville muséifiée de son vivant, etc.
Sur ce dernier point, comment ne pas voir d'ailleurs une allusion claire au Contre Venise de Regis Debray ? Même posture de l'intellectuel qui en est revenu, qui n'y touche pas, qui trouve ça vulgaire... Même a priori incroyable qui semble considérer que parmi les foules qui se ruent aux machines à sous, pas une seule autre personne n'envisage le phénomène par l'intellect plutôt que par l'instinct.
C'est exclusivement par l'instinct que le joueur végasien est abordé par Bruce Bégout. A force de "rester au-dessus", l'auteur survole littéralement le thème du jeu, que Dostoievski dans Le Joueur, Raymond Chandler dans Le Grand Sommeil, avaient bien mieux exploité en leur temps.
Intéressante voie pour la philosophie, peut-être, que cet essai mêlant tendance et décadence.
Sur le plan narratif, ça ne suffit pas longtemps au plaisir du lecteur, et bon sang que c'est ennuyeux de relire trois, quatre, cinq fois la même chose dans un texte d'à peine 125 pages...
125 pages, éditions Allia - 6,10 €
Du même auteur :
L'Eblouissement des bords de route
Aller à la Quinzaine "West Coast classics"
3 commentaires:
Son meilleur livre est à mon sens Lieu commun, une sorte d'exploration phénoménologique des marges de la ville américaine et de son lieu emblématique: le motel. Il s'agit là d'un essai d'une grande beauté et d'une grabnde intelligence à ranger à côté du livre des Passages de Walter Benjamin.
Un lecteur
Pour ma part, j'ai beaucoup aimé "L'éblouissement...", où le thème du motel est également central.
Mais j'avais cru percevoir que "Zeropolis" constituait vraiment le coeur de l'oeuvre de Bégout. En l'occurrence, il tend surtout plus vers la philosophie que vers la narration. Je crois que c'est pour cette raison que selon moi c'est un ouvrage moins prenant.
Si vous pouviez faire une petite présentation de "Lieu commun", je serais ravi de la mettre en ligne sur ce blog !
:)
J'ai trouvé une lecture de l'oeuvre de Bruce Bégout beaucoup plus fine que la mienne et beaucoup plus élogieuse sur ce blog :
http://www.u-blog.net/bartlebooth/cat/2
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