(BD) B. Traven, portrait d'un anonyme célèbre
« A quoi bon vos actes de naissance ? Vous avez faim ? Cela suffit pour démontrer que vous avez été mis au monde.
A quoi bon vos actes de mariage ? On vit avec la femme qu'on aime, on lui fait des enfants. C'est comme ça qu'on se marie. Avez-vous besoin de papiers pour le savoir ? »
Voici résumée un pan non négligeable de la philosophie de B. Traven, auteur mystérieux d'une œuvre profonde. Prononcées par un vieil Indien du Chiapas devant une assemblée de jeunes compatriotes, ces phrases ont une résonance particulière, à l'heure où d'aucuns comparent la lutte armée d'une organisation terroriste avec l'idéologie xénophobe des Nazis. On n'a rien à gagner à provoquer de tels amalgames ; on n'a tout à perdre à banaliser ce genre de comparaisons hâtives. A quoi bon avoir des papiers s'ils servent à ceux-là pour nous sortir du pays ?
Mais excusez cette parenthèse, tout cela n'a rien à voir avec la littérature...
B. Traven, vous connaissez ? L'auteur du Trésor de la Sierra Madre, du Pont dans la jungle, de La Révolte des pendus ou du terrible Vaisseau des morts qui relégua les récits de Conrad à la catégorie des contes de fées pour vieilles dames. Traven voulait que son œuvre soit lue, et espérait disparaître derrière elle, laisser la biographie en coulisses. Cette B.D. de GOLO mène un reportage post mortem aussi documenté qu'hallucinatoire, et retrace le parcours aventurier et miséreux d'un homme qui occupa plusieurs identités : B. Traven, Hal Croves, Ret Marut ou encore Torsvan, l'agent littéraire...
Le dessin est très beau, proche de celui d'un Fred Bernard, et parfois onirique comme un David B. La plupart des cases sont bichromes, mais la vie de Traven est remplie de couleurs : du rouge révolutionnaire au noir de la peste politique, des songes bleus et verts de ses nuits dans la forêt tropicale, au jaune aride des villes aztèques et des plages.
A une lettre près, TraveN deviendrait TraveL et cette nouvelle identité ne le trahirait pas plus qu'une autre. L'itinéraire de B. Traven est bien sûr celui d'un génie, parce que sinon quel intérêt ?
Golo, grâce à B. Traven, rejoint William Boyd et son Nat Tate au rayon des faussaires littéraires. L'histoire ne dit pas si Bolo est l'auteur de la fiche sur B. Traven, et toute ressemblance avec un écrivain ayant réellement voulu ne pas exister serait purement non fortuite. La seule chose certaine est sa mort, à Mexico, le 26 mars 1969. Or on ne peut pas mourir si l'on a pas vécu, vous êtes d'accord ?
Magnifique livre, malgré quelques longueurs au niveau de la documentation historique.
Et Golo, au fait, vous connaissez ?
Le golo, est appelé également spinstix, ou encore bâton du diable : « Le but de la discipline est de maintenir le bâton dans les airs en lui imprimant un mouvement à l'aide des baguettes tenues dans chaque main, et de lui faire parcourir des figures. »... Wiki ne dit pas si les figures acquièrent, par là, une existence propre, ou bien s'il n'y a que la persistance rétinienne qui en garde mémoire.
Pour ce qui me concerne, cette B.D. m'a durablement tapé dans l'œil.
140 pages, coll. Futuropolis - 19 €
10...
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