29 juillet 2006

John Barleycorn

John Barleycorn, qu'on peut aussi trouver sous le titre Le Cabaret de la Dernière chance, est un récit de Jack LONDON (1876-1916), son "autobiographie d'alcoolique" en quelque sorte.

John Barleycorn, le locuteur anglo-saxon le connaît bien : c'est la personnification du démon de l'alcool, sorte de Bacchus/Dyonisos. Sauf qu'il n'incarne pas des valeurs d'énergie et de vie, mais plutôt des tendances morbides et auto-destructrices. Littéralement, c'est "Jean grain d'orge", nom évocateur.

Dans un récit très bien mené, Jack London retrace sa propre histoire avec l'alcool, depuis sa première cuite à... 5 ans !, jusqu'en 1912 où il compose cet ouvrage. Bien que divertissant et très prenant, le récit se propose un autre but que lui-même : London entend mettre en garde le lecteur contre un John Barleycorn pernicieux et entêté, capable de reprendre à tout moment la vie de n'importe quel individu entre ses mains, et de l'amener vers les bas-fonds, dans la déchéance la plus bestiale.

Le discours de London se fait aussi politique. Le récit est cyclique : on retrouve le point de départ quelques pages avant la fin. Ce point de départ, ce prétexte à parler du démon de l'alcool dans notre civilisation, c'est un référendum sur le droit de vote des femmes. London, qu'on connaît relativement macho, se met en tête d'expliquer pourquoi le droit de vote des femmes lui semble tout d'un coup nécessaire au salut social. C'est que les hommes, pour les multiples raisons exposées dans le livre, se montreront toujours incapable de renoncer à leur drogue, malgré toutes leurs mauvaises expériences. Alors que les femmes ont toujours visé à la "sauvegarde de l'espèce". L'éradication de l'alcool et la fermeture des lieux où l'on en trouve dépendra donc exclusivement d'elles.

London, plutôt embêté devant le spectacle de sa faiblesse vis-à-vis de la bouteille, et se trouvant moult circonstances atténuantes tout en dramatisant la plupart des épisodes qu'il raconte, fait un voeu pieu devant lequel il ne semble par se tenir engagé. Pour preuve, la situation se retourne une dernière fois sur les deux dernières pages, et le narrateur nous avoue qu'il ne peut se résoudre... qu'à continuer de boire !

De ce fait, prôner la fin de l'alcool pour les générations futures, c'est se montrer un peu réactionnaire, un peu donneur de leçons. Même si l'on considère que ces leçons-là sont justes. C'est dans cette ambiguïté que l'ouvrage prend parfois un peu de lourdeur, et London apparaît comme un auteur de son époque. En contemporain de Jules Verne, dont il ne partage pas tout l'optimisme, il n'hésite pas à remettre son ouvrage cent fois sur le métier... Bref, il y a là au moins 50 pages de trop, mais London continue de se vanter de produire 1000 mots par jour...

C'est pourquoi John Barleycorn, bien que montrant toutes les qualités d'une écriture et d'un propos maîtrisés, n'est pas une oeuvre littéraire de l'ampleur de Martin Eden, avec lequel il partage certains épisodes, ni un témoignage "brut" comme La Route.

Une lecture très stimulante malgré tout.


250 pages, coll. Phébus libretto - 8,99 €
En savoir plus sur Jack London
Quinzaines liées : "On the Road" et West Coast classics

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ta description me donne envie de le lire.Je sais pas ce que j'ai avec London malgré la dernière lecture très deprime "le peuple d'en bas",j'adore et j'ai surtout accrocher avec "Sur la route" incroyable description de sa fuite entre les wagons.
Très chouette blog je reviendrai lire la suite!

Anonyme a dit…

Merci du compliment, et j'espère te lire à nouveau :)