15 juillet 2006

(BD) Wimbledon Green

Le dessinateur SETH (né en 1962), alias Gregory Gallant, est d'abord et avant tout un fol amoureux des comics américains. Au point même, peut-être, d'en oublier la BD française, de Hergé à Pratt en passant par Goscinny et Franquin. Le travail de Seth s'inscrit dans la lignée de son cadet Chris Ware, l'auteur génial de ce monument d'esthétisme qu'est son Jimmy Corrigan. Au "smartest kid on earth" de Ware répond ici un certain Wimbledon Green, "the greatest comic book collector in the world". Oeuvre d'auto-dérision, car l'auteur est lui-même collectionneur. Oeuvre poétique, surtout, car il est évident que derrière cette passion se cache une fascination magique pour l'enfance à jamais perdue...

Seth, comme Chris Ware, ne nous raconte pas de façon chronologique l'histoire de son héros ambigu. Ce sont des suites de quelques planches de longueur variable (entre 1 et 15 environ) qui nous amènent à saisir Wimbledon Green sous différents aspects, à travers différents regards : regards de ses coreligionnaires amoureux et collectionneurs de comics. Dans ce cas l'envie et la jalousie ne cèdent pas toujours à l'admiration. Ou bien regards de la rumeur, sans cesse réincarnée. Wimbledon Green, Don Green, H. Arbor Grove... s'agit-il de la même personne ? Et si c'est le cas, est-ce bien lui qui a monté cette monumentale arnaque autour de la revente des malles de Wilbur R. Webb ? Les suppositions les plus folles sont confrontées aux confessions discrètes du principal intéressé.

Dans un style faisant clairement allusion aux traditionnels comics américains, tout en n'étant finalement pas très éloigné du trait d'un Riad Sattouf, Seth nous emporte sur 125 pages dans un véritable "road comic", où tout le monde ne cesse soit de courir après la perle rare, soit de fuir devant l'ennemi. Les références ne sont pas simplement citées, ce qui rendrait le ton puant, mais elles sont expliquées, racontées. On ne sait plus trop, au bout du compte, si elles sont réelles ou inventées pour la cause. Pour un peu, on se croirait chez Jorge Luis Borges, qui aimait lui aussi embrouiller les repères de son lecteur entre la réalité et les fictiones...

Ce "roman graphique", comme son auteur le définit, est un superbe bijou servi dans un joli écrin.


125 pages, éd. du Seuil (hors-collection) - 21 €
Vous pouvez lire quelques pages de l'édition originale Ici, de l'édition française , ou bien simplement faire connaissance avec l'auteur.
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