L'Etrange contrée
Né en 1899 dans l'Illinois, Ernest HEMINGWAY, prix Pulitzer en 1953 puis prix Nobel de Littérature en 1954, s'est construit lui-même son stairway vers le paradis des écrivains, en se suicidant en 1961, rongé par l'alcool et la fuite de l'inspiration.
La collection "Folio 2€" publie la plupart du temps des titres isolés issus de recueils de nouvelles des grands auteurs du catalogue Gallimard. L'Etrange contrée, avec ses 110 pages, hésite entre la nouvelle longue et le roman court. Le texte est issu du recueil Le Chaud et le froid.
Un écrivain de 37 ans, ressemblant sans doute en tous points à l'auteur, prend la fuite en compagnie d'une jeune femme de 22 ans. L'action démarre in medias res à Miami, en Floride, où Roger vide son compte en banque et achète une vieille Buick pour 3500 $. L'important, dit-il à Helena, c'est de rouler en décapotable et d'avoir de bons pneus. Car ils vont tracer la route sur les highways en direction de l'Ouest.
De motels en échoppes sur le bord de la route, le dialogue se noue et se dénoue entre les deux fuyards. Ils deviennent amants. Le petit personnel parfois les suspecte... mais ils repartent toujours trop tôt pour qu'il arrive quoi que ce soit. Des scènes d'intimité sont livrées très simplement. On est très proche de la narration interne, car au fil des pages, Roger ressemble de plus en plus à Ernest. D'abord, par son côté baroudeur, par les expériences douloureuses qu'il a vécues, les êtres proches perdus... Ensuite, parce que Roger, en cette année 1936, achète tous les jours plusieurs journaux, pour se tenir informé des événements en Espagne, où la situation dégénère au fur et à mesure que Roger, fuyant vers l'Ouest, s'éloigne du brasier.
Et c'est bien de ça qu'il s'agit en somme : de l'hésitation d'un homme entre l'idée de retourner dans le feu de l'action, et celle de continuer à vivre dans la fuite, en voulant croire malgré toutes les circonstances adverses à un nouvel amour possible, à une oeuvre littéraire en gestation.
Roger parle peu, fais des phrases courtes, parle à l'impératif, efficace. Helena pose autant de questions qu'une gamine de 5 ans, s'inquiète, se fait répéter les phrases. Pas toutes, mais certaines...
Il n'y a pas, comme le signale la 4è de couverture, d'« inexorable fatalité » en marche ici. Mais simplement une souffrance inextinguible, accompagnée d'un espoir qui ne veut jamais tenir compte des leçons du passé. Roger et Helena s'enregistrent à chaque fois sous un nom différent dans les hôtels des bords de route, et (se) racontent chaque jour leur histoire d'une nouvelle manière. Helena, elle, n'a pas d'histoire avant Roger ; juste une longue attente. L'histoire de Roger, la vraie, va le rattraper dans un bar de la Nouvelle-Orléans, situé dans le french quarter, après quelques gorgées d'absynthe...
In its own sweet way, ce texte sobre mais efficace comme un classique du polar américain m'a littéralement captivé - voire capturé - pendant les dernières 24 heures. A la découverte d'étranges contrées, Hemingway prend le way of life américain à contresens, tentant de résoudre sa petite équation intime, plutôt que de s'occuper du devenir d'une collectivité. C'est en cela que L'Etrange contrée ne peut pas paraître daté.
110 pages, coll. Folio - 2 €
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1 commentaire:
je crois que je vais l'emporter en Grèce, celui-ci... Lena, Helena : drôle de coïncidence non? IL faut juste que je le trouve en anglais. Hemingway en VO c'est tellement plus beatnik.
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