18 décembre 2006

MM. Ferri & Larcenet, experts ès marketing

C'est Noël qui approche avec ses plus ou moins bonnes surprises dans nos rayons encombrés de bouquins. Sur les étagères de BD, mon dieu que de promesses de cadeaux alléchantes !

Alors chouette, super : FERRI et Manu LARCENET, ou plutôt leur éditeur, nous proposent une intégrale du merveilleux cycle Le Retour à la Terre (je dis merveilleux pour aller vite, comme vous savez). C'est une bonne idée. Je n'avais pas compris que le cycle était clos, mais je l'apprend par la même occasion, et je me dis que les bonnes choses ont une fin.

Pas troublé, pour le moment, donc.

Pourtant, le format de l'intégrale m'intrigue. C'est celui des volumes qui font un tabac ces dernières années dans le rayon dédié aux amoureux de la BD : le format du Jimmy Corrigan de Chris WARE, ou de l'intégrale des Peanuts de Charles M. SCHULZ.

Soit. Là encore, pas de quoi s'offusquer.

Je me saisis donc de l'intégrale du Retour à la terre... pour constater que les bandes sont présentées comme des strips, deux par page. Elles paraissent grossies, je ne sais pas si elles le sont vraiment. Ça n'est pas du tout du plus bel effet, ça casse la continuité de certains gags, qu'on lisait sur une page dans le format original...

... En bref, c'est quoi cette horreur ?

Admettre que Le Retour à la terre est un strip, pourquoi pas. Le strip est un format originellement inventé pour paraître dans une presse quotidienne qui offrait de moins en moins de place à l'illustration. D'où la concision atteinte par Schulz, par exemple. J'avais vu Le Combat ordinaire paraître dans "Ouest France", sans être un strip. Pourquoi pas ?

Mais bon sang, les quatre tomes du Retour à la terre ont paru originellement (et récemment) en format "bédé-de-48-pages", et voilà que l'intégrale, sous le prétexte du packaging "luxe" (je n'invente rien, c'est présenté comme ça sur différents sites), massacre le fil narratif.

En deux mots : pour quoi ?

A priori, pour faire comme les bonnes BD et avoir un produit bien placé pour les fêtes. Non ?

Alors, petites têtes pensantes de chez Dargaud, si vous êtes responsables de ce raté hivernal somme toute inoffensif, écoutez bien ceci : plutôt que de systématiser les intégrales façon "300-pages-à-29-euros", avec les auteurs de votre catalogue contemporain, vous feriez mieux de vous presser un peu de traduire l'intégrale des Peanuts, éditée par Fantagraphics. Parce qu'au rythme où vous êtes, et vu le nombre de tomes à paraître, on y sera encore à 72 ans !

Quoi, c'est donc ça, être l'éditeur de BD le plus en vue de l'hexagone ? Pensez-vous que parce que quelques fanatiques dans mon genre s'emballent sur une intégrale signée Charles M. Shulz, ils fonceront bille en tête sur vos protégés du moment, pour le plaisir d'avoir des bouquins de même taille à poser les uns à côté des autres sur l'étagère ?

Et les auteurs, à propos ? Pas complaisants là-dedans, non ?

Mieux vaut s'habiller en Père Noël ou en Mortemont sur le marché nocturne du village, que de travestir son œuvre ainsi, vous ne pensez pas ?

Et puisque Manu Larcenet sévit notoirement sur la blogosphère, c'est à lui que j'adresse ma requête, consécutive de ce qui précède : arrête-moi si je me trompe, Manu. Et surtout fais-moi mentir. Dis-nous que le format de l'intégrale, c'est celui que vous souhaitiez dès le départ, Ferri et toi. Et dis-nous ça sans colère, sans coup de gueule contre le monde entier. Sois magnanime. Nous ne sommes après tout, cher Manu, que tes consommateurs très dévoués.


260 pages, coll. Poisson Pilote - 29 €

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