19 août 2006

(BD) Persepolis

Me fiant à leur couverture (décidément... ), j'ai longtemps pensé que les quatre tomes de Persepolis, de Marjane SATRAPI, constituaient une sorte de fresque historique de la Perse antique...

Merveille des prêts en bibliothèque, j'ai pu sans débourser un sou emprunter les quatre tomes d'un coup, et les lire d'une seule traite. Et c'est une découverte !

En fait, c'est un cycle autobiographique dont l'action se déroule majoritairement à Téhéran. L'auteur, Marjane Satrapi, nous y raconte sa vie entre 1979, où elle n'était qu'une gamine de 9 ans, et 1994, date à laquelle elle a définitivement quitté l'Iran pour la France, où elle a réalisé le premier album de bandes dessinées iranien.

1979 et 1980 marquent la fin du règne du Chah d'Iran . Les parents de Marjane sont révolutionnaires, et essayent en vain de lui interdire les manifestations, de plus en plus sanglantes, contre le régime. Le jour de l'exil du Chah, Marjane se souvient de la plus grande fête qu'ait vécue son pays.

Entre 1979 et 1994, Marjane grandit sous un régime qui se dit révolutionnaire, mais qui a surtout pour effet de rétrograder l'Iran d'au moins vingt ans dans son histoire. Elle fait elle-même le rapprochement avec l'invasion arabe, 1400 ans plus tôt, qui avait tué la culture perse. Viennent les huit ans de la guerre Iran-Irak, alimentée en armes par les Occidentaux, trop contents de se débarasser de deux armées puissantes en les faisant s'auto-détruire l'une l'autre. L'armée irakienne, lorsqu'elle sera mise à mal, ne sera plus une menace pour Israël, et le peuple iranien, décimé, ne pourra plus défendre l'Iran contre les assauts des capitalistes fous de pétrole.

L'histoire de Marjane est terrible parce qu'elle grandit dans les pas de la grande et lugubre Histoire. Le port du voile, les rafts, l'hypocrisie religieuse, prennent dans ces pages un poids très concret. Il y a les morts de l'entourage, et ceux du pays tout entier. L'oncle de Marjane, véritable héros insoumis, connaît un sort semblable à des milliers d'autres. Les medias ne sont que des outils de propagande. On encense les martyrs de guerre...

Marjane part à Vienne pendant l'adolescence. Elle en revient très marquée. Ses parents ont vieilli de dix ans en Iran, mais elle leur reproche de ne pas savoir ce que cela fait d'être une "tiers-mondiste". Avec ses petits problèmes d'adolescente mal dans sa peau, elle, elle a vraiment frôlé la mort... à Vienne, en Europe, en pleine rue.

La relation de Marjane avec ses parents est exemplaire. Sa grand-mère est un modèle d'indépendance d'esprit. On pense à ce que disait Sartre au sortir de l'occupation : « Nous étions condamnés à être libres ». C'est un peu l'impression que donne la "résistance" qui s'organise dans la sphère privée des iraniens et des iraniennes. Marjane met un long moment avant de s'en rendre vraiment compte, et cela ne l'empêche pas de se conformer aux conventions, et de faire un mariage peu judicieux.

Une BD exemplaire et nécessaire, dont la lecture me paraît aussi importante que celle de Maus ou du Photographe.


4 tomes de 90 pages environ, coll. L'Association - 14,00 € chaque volume
On en dit beaucoup de bien ici aussi !
Marjane Satrapi adapte Persepolis au cinéma et touche à l'animation : interview

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne suis pas un grand lecteur de BD. Mais celle-ci est pour moi une référence. Je te conseille sur la région aussi (mais pas l'Iran Carnets de voyage au Pakistan de de Heyn et/ou Le photographe.

Nicolas a dit…

Le Photographe est effectivement formidable : j'ai lu les deux premiers tomes avant d'ouvrir ce blog, alors il n'en est pas question pour le moment dans ces quelques pages, mais je dois lire prochainement le tome 3.
Sais-tu que le personnage réel du photographe est mort récemment, au Pakistan ?

Merci pour le premier titre : je ne connaissais pas, je vais aller chercher ça dans les bibliothèque des environs...

:)

Lyvie a dit…

moi non plus je ne lis pas beaucoup de bD, mais là vraiment, j'ai découvert un travail très interessant. J'avais commencé par broderies, et j'ai été convaincue de lire persepolis. Je ne suis pas déçue. J'ai découvert l'histoire sous un autre jour, un personnage, une auteure, un trait.
Je vais très vite lire poulet aux prunes.
Grace au fil de discussion de ce blog, je vais lire aussi le photographe.

Anonyme a dit…

Colin, qui divague au gré des courants, est également fan de Persépolis.... (cf lien)

deligne a dit…

A la lecture de ce résumé, je comprends mieux l'engouement des spectateurs pour le film et le buzz qui en découle sur les blogs avec promotion de cette B.D.
J'ai fait la critique d'un interview de M. Satrapi dans un post intitulé "Cons, pas cons et Miss Percepolis".
Si le sujet vous intéresse, j'évoque aussi la B.D. de D. Minoui, "Les pintades à Téhéran".

Je ne suis pas amateur de bandes dessinées et je n'ai donc pas lu celle de M. Satrapi. Aussi, je n'ai aucune critique a formuler.
Mais, je connais assez bien le littérature nord-américaine et je repasserai donc commenter.

Un attendant, je place ce Blog à lire dans mon feedeader.
A bientôt ;-)

Anonyme a dit…

Grand amateur de Satrapi et envouté par le film, l'as-tu vu ?
J'en cause sur mon blog...

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je vois que Persepolis fait couler beaucoup d'encre !
Avez-vous lu Les Pintades à Téhéran sur le quotidien des Iraniennes ?

Cordialement,

Maïlis Valentin
Éditions Jacob-Duvernet

Nicolas a dit…

@ Sylvie, Colin, Scheiro et Malaurie : merci de vos messages, et d'avoir témoigné de votre enthousiasme pour Persepolis !

Je n'ai malheureusement pas vu le film en salle, et j'attendrai probablement la sortie du DVD, mais je me doute qu'il doit être très chouette, et puis il rend encore plus accessible le travail et la réflexiond e Satrapi, ce qui n'est pas un mal.

@ Scheiro et Maïlis : Merci de la suggestion commune, et avis à ceux qui cherchent à creuser le sujet !

@ Maïlis : Je n'ai malheureusement pas lu Les Pintades, mais j'en parlerais avec plaisir si vous aviez la délicatesse de m'en envoyer un exemplaire... :)

Anonyme a dit…

J'ai lu la BD (en 1 volume) après avoir vu le film. La BD est bien mais je pense que le film est supérieur. En tout cas, il faut lire les BD et voir le film. C'est absolument sensationnel. Je recommande.
http://dasola.canalblog.com