Babyji
En 2005, l'écrivaine Abha DAWESAR publie Babyji, un roman traduit de l'anglais (Inde) en 2007. C'est après Swap ma deuxième "tête de gondole" du mois.
La narratrice, Anamika, est une lycéenne de 17 ans, élève exemplaire, amie fidèle, fille modèle. Elle est "Premier Préfet" de son école, ce qui signifie qu'on lui a attribué pour un an une fonction distinctive, honorifique, qui lui donne autorité sur ses camarades et la situe entre les adultes et les adolescents. Le récit englobe une tranche de vie d'à peine quelques semaines et raconte l'éveil de Anamika, surnommée "Babyji", à la légendaire sensualité du pays du Kama-Sutra.
« Delhi est une ville où tout se passe dans la clandestinité. » Ce sont les premiers mots d'Anamika, et ses premières amours vont en effet s'épanouir à l'abri du regard de ses parents et des adultes qui, au lycée, lui ont attribué un caractère tellement "sérieux". En quelques jours seulement, Anamika part à la découverte de sa sexualité en tombant dans les bras de trois femmes : une camarade de classe, une bonne et une femme plus âgée qui pourrait être sa mère. La gent masculine n'a plus qu'à faire la queue.
En 446 pages qui se lisent vite et sans prise de tête, Adha Dawesar nous dévoile à la fois le caractère de son personnage éponyme, mais aussi les codes et des tabous de la société moderne, dans cette Inde que le reste du monde regarde. Les castes existent encore, mais il y a des bouillonnements, des turbulences dans l'ordre établi. Tandis que les parents d'Anamika, fonctionnaires éclairés, entreprennent d'éduquer leur nouvelle bonne pour la libérer de sa condition et des maux qui rongent les siens (alcoolisme, barrière linguistique, ghettos... ), des lycéens brahmin s'immolent pour protester contre un projet gouvernemental visant à instaurer des quotas égalitaires caste par caste pour l'accès à l'enseignement supérieur. Anamika elle-même fait le projet de poursuivre ses brillantes études aux Etats-Unis, mais ses deux meilleurs amis ne comprennent pas qu'elle puisse abandonner la mère Patrie.
Babyji surnomme justement son amante la plus âgée Linde ; c'est un peu sa mère et un peu son pays. Cela vous donne une idée des astuces que déploie Abha Dawesar pour resserrer son intrigue et faire de ce roman d'initiation sexuelle un roman politique. C'est très certainement le roman d'une génération en Inde, et tout est fait pour le faire ressentir au lecteur étranger. La traduction de l'anglais par Isabelle Reinharez me paraît (une fois n'est pas coutume) très subtile, en ce qu'elle garde un certain nombre de termes dans la langue hindi, quand ils renvoient à des objets ou des notions du quotidien proprement indien. Cela permet à la fois de se projeter dans l'histoire de Anamika, sans jamais oublier que cette histoire ne peut se passer qu'en Inde à l'époque contemporaine.
Voilà donc une tête de gondole d'une grande qualité d'écriture, et qui se lit sans effort. Je vous en recommande chaudement la lecture !
446 pages, éd. Héloïse d'Ormesson - 22 €
1 commentaire:
Après quelques échanges avec l'éditeur, j'apprends que Babyji est en cours d'adaptation au cinéma par Claude Berri, et que l'auteure (qui parle français) est actuellement en France pour promouvoir son nouveau roman sorti aux mêmes éditions.
Quel sens de l'actualité littéraire, n'est-ce pas ?
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