Harlem Quartet
Je viens de terminer cet incroyable opus de James BALDWIN (1923-1986), et j'en ai encore des frissons tout le long de l'épine dorsale...
Harlem, années 50. Un groupe d'adolescents noirs se forme autour de l'amour du gospel. Ce sont principalement Julia Miller et son jeune frère Jimmy, et puis Hall et Arthur Montana, fils du pianiste Paul Montana. Hall est le narrateur de ce récit.
Julia est une gamine imbibé de religiosité. Elle prêche comme personne. Le truc d'Arthur, de Peanut, de Chuck, de Hall et plus tard de Jimmy, c'est plutôt la musique. Ils forment une joyeuse bande dont le succès va en grandissant. Le récit de Hall sur ces années d'insouciance est entrecoupé de poèmes du peuple noir, remplis de douleur et de foi.
Les années passent. Julia perd sa mère. Son petit frère Jimmy est envoyé dans le Sud chez sa grand-mère. Julia veille sur Joel Miller, son père. Mais Joel se saoule un peu trop souvent. Dans ses délires éthyliques, le visage de sa fille se confond avec celui de sa femme. Il commence à abuser de la situation, à exiger l'impossible de Julia, qui n'est encore qu'une adolescente. Et puis il se met à abuser d'elle, à la violer régulièrement, à tenter de former un ménage avec sa propre fille. A l'abri des regards, bien sûr. Alors Julia dépérit lentement, perd sa vocation religieuse, entre dans le doute et la honte.
A la même époque, Arthur découvre l'amour dans les bras de Chuck. Mais Chuck, tout comme Hall, doit partir en Corée faire la guerre pour le compte de l'Amérique blanche. A son retour, Chuck n'est plus qu'une épave paranoïaque hantée par ses démons. Jimmy, le petit frère de Julia, a grandi. Il attend Arthur depuis toujours. Mais il ne se "trouveront" vraiment que bien plus tard.
Pourquoi ce récit ? Peut-être pour raconter ces années qui furent cruciales pour la jeunesse afro-américaine. Sûrement pour évoquer la tentation de la foi, et l'amour absolu pour la musique, qui se fait témoin des origines comme du chemin parcouru.
Et puis Hall écrit "après-coup". Après avoir appris au téléphone, dès la première page, qu'un « chanteur nègre style mur des Lamentations, quasiment oublié » venait de trouver la mort dans la cave d'un pub londonien. Et ce cadavre de nègre, c'est Arhur, son frère.
Le récit de Hall sert alors sans doute à comprendre les spirales concentriques qui ont fait le destin de Chuck, marqué à vie par la guerre de Corée, de Peanut, disparu un soir de concert dans le Sud hostile, d'Arthur, assassiné, de Julia, revenue par miracle d'entre les morts.
L'écriture de James Baldwin est d'une incroyable sensualité et d'une incroyable musicalité. Les amours des personnages sont décrites par les beaux sentiments, avec énormément de finesse, mais aussi par leurs ébats sexuels, qui sont comme des chants d'hommage à la vie. Malgré tout.
Harlem Quartet, ce roman de James Baldwin, c'est l'une de mes plus importantes révélations littéraires.
694 pages, coll. Bibliothèque Cosmopolite - 12 €
12 commentaires:
Court et concis, mais ça me donne déjà l'eau à la bouche !
Court et extrêmement concis, je me vois déjà dans Harlem.
PS : mon I.E. a fichtrement du mal à pouvoir publier (ou même faire un aperçu) du commentaire. Mais me demande pas pourquoi... j'y connais rien... sinon j'aurais déjà innonder tes chroniques de mes futiles commentaires !
En fait, c'est surtout que je modère les commentaires, parce que Blogger est régulièrement envahi de spams. Donc ne t'inquiète pas, je reçois tous tes commentaires et tu peux te lâcher ! !
:)
Non, j'avais vu la modération, et de ça, je ne m'en inquiétais pas. Mais 3 fois sur 4, j'ai la fenêtre du commentaire qui au moment de la validation, pendule, pendule, pendule et pendule éternellement... bloquant ma fenêtre...
Ça par contre, ça doit être un coup de Microcrotte !
;)
Tant pis pour moi...
du moment que j'arrives à lire la chronique sur le Harlem Quartet...
Reviens demain matin : j'ai besoin de beaucoup de concentration pour écrire les "bons" billets... :)
J'ai pas osé citer l'un des plus beaux passages de cette écriture sensuelle de James Baldwin directement dans mon billet, mais le voici, pour le initiés qui liront les commentaires... to the happy few... :
« Elle tenait ma tête contre elle tandis que je grignotais ses seins, goûtais ses tétons (quelqu’un a dit que tout amour est inceste), léchais sa gorge, buvais à ses lèvres, trouvais sa bouche, un nageur, au plus profond de moi, retenant son souffle, le reprenant, plongeant, revenant en surface, conscient de l’avoir connue quand elle n’avait pas de seins, essayant de découvrir les secrets de sa fente en la léchant, ma langue entre ses cuisses, puis le long de ces longues jambes, remontant de nouveau jusqu’à ce que je la couvre entièrement, ses longs doigts sur mon dos, me caressant de la nuque à mes fesses, ma bouche dans la sienne, ses mains sur moi, sa bouche contre ma poitrine, mes seins, tous les poils de mon corps me démangeant, me picotant, un par un, sa bouche contre mon nombril, contre les poils de mon aine, au bout de ma verge, sur mes bourses, sa bouche sur ma verge encore, ma verge dans sa bouche, ma langue dans sa fente, puis montant, montant jusqu’à ce que je la couvre de nouveau, ma bouche dans la sienne, sa bouche dans la mienne, gémissant, gémissant, ces longues jambes qui s’écartent, ces cuisses qui me retiennent, ce ventre qui se soulève à la rencontre du mien, ces doigts sur mon dos, la lente, lente, lente découverte de cette chaleur humide et avide à l’intérieur d’elle, cette entrée qui prenait si longtemps, il y avait toujours plus d’elle, toujours plus de moi, je m’allongeais et m’allongeais et m’allongeais et je grossissais, j’étais toujours surpris qu’il pût y en avoir autant et elle s’ouvrait et se refermait autour de moi, s’ouvrait et se refermait, s’ouvrait et se refermait, personne ne m’avait tenu ainsi, jamais je n’avais été accueilli avec tant de joie, jamais, à moitié étranglé, je n’avais entendu un tel rire venir de moi, vibrant et martelant, vibrant et martelant, l’entendant crier, l’entendant crier mon nom jusqu’à ce que ce cri soit le seul son dans l’univers, la sentant se donner et se donner et se donner, haletante, s’accrochant, et alors, depuis la plante de mes pieds le long de mes cuisses, comme si des cloches secrètes avaient commencé à jubiler, à travers la raie de mes fesses et le long de mon épine dorsale, électrisant mes omoplates, ma nuque et le sommet de mon crâne, menaçant de clore ma gorge, mon souffle dans le sien, mon souffle dans le sien, le long de ma poitrine, tourmentant mes mamelons, mon ventre, gonflant mes couilles, chaque chose et tout en moi tonnait dans ce grand orgue, et, à ce moment-là refusant d’y mettre un terme, je marquais toujours une pause et elle disait je t’en prie oh ! je t’en prie !, mais elle demeurait immobile aussi, et nous nous embrassions comme si c’était à jamais la dernière fois, et puis, sans même le savoir, nous partions, partions, partions et chaque fois, à l’instant où je commençais à jouir, il semblait toujours qu’il y eût soudain encore plus d’elle et plus de moi, exigeant, exigeant, exigeant et parfois j’avais presque peur, il semblait que l’explosion ne finirait plus jamais.
Puis nous restions allongés dans les bras l’un de l’autre, l’un dans l’élément de l’autre, dans son temps et son espace, pendant un grand moment : et jamais, jamais dans ma vie antérieure n’avais-je éprouvé un aussi formidable sentiment de sécurité ni un tel pouvoir de protection. Jamais dans ma vie n’avais-je senti à l’égard d’un autre être tu es ma vie, mon cœur, mon âme. Nous faisions parfois l’amour sur le sol du living-room pour nous éveiller sous notre tente, baignés par la lumière de ma grande baie de West Est Avenue. »
Eh ben, vu ton enthousiasme, il faudrait que je sois folle pour ne pas l'ajouter à ma LAL!
Liste de Livres A Lire ?
:)
C'est peut-être le plus beau livre que j'ai lu.Les premières pages sont éblouissantes, pleines d'émotion, d'amour, et surtout de simplicité dans ce qu'il y a à dire(pas de jugement sur les moeurs de arthur, juste un constat- relire la scène où les 2 frères sont ensemble dans un bar)
Terrible et angoissante est la description du Sud,la disparition de Peanut.
Les rapports humains sont magnifiés,la fin est plus qu'émouvante.
J'ai fini ce livre les larmes aux yeux!
Je souscris à ce que tu dis. Merci de ta visite. ;)
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