09 novembre 2006

(BD) Malédictions

Un volume qui rassemble plusieurs histoires de Glenn Ganges, par Kevin HUIZENGA.

Glenn Ganges est un personnage autobiographique créé par Kevin Huizenga. Nous en avons déjà parlé ici. Dans ce tome qui vient de paraître, cinq histoires longues, et de style tout-à-fait différent.

La première d'entre elle, "Green Tea", part d'une apparition hallucinatoire de Glenn Ganges, du temps où il était étudiant aux Beaux-Arts et dormait très, très peu. Cette vision le pousse à se documenter encore plus à fond sur son sujet de recherche universitaire, qui porte sur... la vision, justement. C'est donc le prétexte d'une histoire enchâssée, dont l'action se situe au XIXè s. Le trait de Huizenga s'y adapte très bien, et l'auteur, via Glenn Ganges qui lui-même lit l'histoire sur des documents retrouvés en vrac dans une cave, recompose une atmosphère fantastique et noire digne des grands auteurs du genre.

La seconde histoire, "Avis de recherche", correspond mieux selon moi à ce qui fait de Huizenga un auteur talentueux et original. Si vous lisez à peu près l'anglais, vous pouvez la trouver en intégralité et en toute légalité à partir du blog de l'auteur, ici-même. J'y remarque en particulier une inventivité de la "mise en scène" de l'histoire, une savante réutilisation de fragments de dessins, et enfin un éclairage subtil, en toile de fond, sur un aspect de la civilisation américaine, pour ne pas dire occidentale. Concis, superbe !

Dans la troisième histoire, "28th Street", Glenn et sa femme Wendy cherchent à avoir un enfant, mais n'y parviennent pas. Leur docteur, un gentil frappé qui fume un vieux mégot perdu dans sa barbe touffue, conseille discrètement à Glenn d'aller chercher une plume d'ogre pour remédier au "souci technique". Profitant du départ de Wendy pendant une semaine, Glenn se met à arpenter les espaces industriels et commerciaux péri-urbains. Là où commençait autrefois les campagnes américaines, il descend des boulevards périphériques à quatre voies, s'arrête dans une station et interroge le pompiste, qui lui dit de se foutre du gasoil dans l'oeil, s'il veut trouver l'ogre... désopilant et de nouveau fantastique. Un peu long, peut-être.

La quatrième histoire, "La malédiction", donne involontairement son titre au recueil. C'est une sorte d'allégorie sur la présence de l'homme et son influence sur son environnement, à partir d'une sordide étude démographique portant sur des étourneaux. Une histoire courte et poétique, qui fait la couverture de l'édition américaine de Curses.

La cinquième et dernière histoire est exceptionellement en couleur. La narration y est très maîtrisée, comme dans un bon film qui prendrait le temps, qui choisirait les bonnes scènes, les bons points de vue. Mais l'histoire n'est pas très cinématographique, puisqu'on fausse compagnie à Glenn, relégué parmi les personnages secondaires, pour suivre un homme de cinquante ans, Jeepers Jacobs, dans le cheminement de sa pensée, autour d'un thème hautement sérieux car bassement religieux : l'enfer ! J'ai néanmoins trouvé que la chute de cette histoire faisait preuve d'un humour un peu potache, qui démolit tout le soin apporté à créer l'ambiance dans les pages précédentes.

Mais ça reste du bon boulot, et même plus que ça ! "Avis de recherche", à elle seule, justifie l'achat des quatre autres histoires de Malédictions.

Signalons enfin que l'éditeur français de Kevin Huizenga, Vertige Graphics/Coconino Press, a une curieuse façon d'envisager ses devoirs d'éditeur : sur la revue "Ganges", tome 1, il était plus facile et plus fréquent de trouver le nom de l'éditeur que celui de l'auteur. Sur le volume intitulé Malédictions, impossible de trouver le titre original ni l'année de parution... En fait, je pense que Malédictions est l'édition française de Curses, le dernier volume paru aux Etats-Unis.


100 pages, coll. Vertige Graphics/Coconino Press - 20 €

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