21 janvier 2009

Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute

Voilà un titre qui m'a plu et me plaît encore ! Un titre éminemment poétique et résolument pas de son époque(1). J'ai d'ailleurs cru dans un premier temps à un fausse piste dans le genre de L'Automne à Pékin de Boris Vian mais non : le dernier roman de Maurice G. DANTEC parle bel et bien du fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute.

Et pour réaliser ce tour de force - je veux dire inventer un roman qui colle à un titre pareil, si tant est que le titre soit apparu à Dantec avant le roman, ce que je pense - on peut dire que l'auteur part de loin. De très loin, même : 36 000 Km environ, la distance habituelle que prennent les satellites géostationnaires vis-à-vis de l'Equateur.

Les deux héros de ce livre forment un couple percutant et gentiment halluciné. Ce sont en effet deux jeunes déréglés profonds du cerveau, vivant dans une société internationale hystérique et ultraviolente, sorte de projection uchronique de notre bel occident. L'homme est celui qui raconte, il a la trentaine ; sa complice est une belle plante instruite et athlètique de 21 ans, qui répond au doux nom de Karen. Le roman s'ouvre sur le braquage d'une agence postale de quartier, dans Paris, raconté par le braqueur. S'ensuit une absence de course-poursuite, tellement le coup est parfait. Tout se complique comme de bien entendu dès que le couple en fuite, usurpant toute une flopée de nouvelles identités, commence à approcher de l'Equateur. Le tout baigne dans l'alcool et les cachetons, histoire de rester sérieux, et toute chose dans le récit est ultra et se compte en millions, question de modernité.

Trêve de moquerie, voici très certainement un roman qui détonne au milieu des parutions franco-françaises habituelles. L'action est pêchue et la langue couillue. On sent que Dantec a l'intention de déballer son engin littéraire. Ça aboutit assez inévitablement à des passages un peu puérils, tout dans la manifestation un peu adolescente d'une violence verbale dont le narrateur se gargarise. Plus embêtant : les efforts les plus visibles pour être moderne se soldent souvent par de grands moments de solitude narrative et de ringardisme esthétique. Tellement de références diverses sont citées, à commencer par le Kill Bill de Tarantino dès la couverture, que le roman tombe plusieurs fois dans un esthétisme à mon avis stérile. Même si je souscris par exemple à l'hommage rendu à Albert Ayler (qui joue le rôle du fantôme dans la station Mir en déroute), je cherche toujours ce que Dantec propose à son lecteur une fois qu'il a balancé ce nom et qu'il nous a raconté les circonstances louches de la mort du saxophoniste. Idem pour Orange mécanique, Cassius Clay, les lunettes Ray-Ban, Carl Perkins, Nelson Mandela et même la station Mir : tous sont cités dans le roman, mais pourquoi ?

J'ai fini par lire bien vite une bonne moitié de l'ouvrage. Ça se lit comme on zapperait à demi assoupi entre plusieurs programmes TV entrecoupés de pubs. Ça occupe incontestablement du temps de cerveau disponible, mais l'assemblage hirsute ne trouve aucune cohérence, et si je m'amuse parfois, je n'adhère pas pour autant. Pour moi le roman de Dantec bouillonne, mais mollement.


(1) Pour pondre un titre actuel, si vous écrivez un essai il faut l'appeler "Ce fantôme qui était un jazzman", ou bien "Ces auteurs qui choisissent de longs titres" ; si c'est un roman, "Métempsycose de la loutre" ou "Le Délire de l'astronaute". Par exemple.
211 pages, éd. Albin Michel - 16 €
Livre lu dans le cadre du programme Masse Critique de www.babelio.com

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Gasp. Ça dépiaute !
Pauvre Dantec, il va en avaler son mégot ...
ah

Anonyme a dit…

Je n'ai pas lu ton billet en entier puisque je viens de commencer Comme le fantôme... C'est effectivement très péchu et le début me plait beaucoup. J'espèrais qu'il soit au niveau des ses premiers romans mais ça n'a pas l'air d'être le cas :-(

Anonyme a dit…

Je n'ai pas lu ton billet en entier puisque je viens de commencer le roman de Dantec. Je le trouve effectivement très péchu. Le début me plait beaucoup...

Nicolas a dit…

j'ai bien hâte de lire ton avis, Emma. Sur un bouquin aussi stylé, je pense qu'il est difficile de rester quelque part entre l'admiration et l'agacement.