21 juillet 2007

Brooklyn Follies

« Pourquoi je m'attarde sur ces détails sans importance ? Parce que la véracité de l'histoire se trouve dans les détails et que je n'ai pas le choix : il me faut la raconter exactement telle qu'elle s'est passée. Si nous n'avions pas pris cette décision de quitter l'autoroute à Brattleboro et de suivre de bout de notre nez jusqu'à la route 30, un grand nombre des événements rapportés dans ce livre n'auraient jamais eu lieu. Je pense tout spécialement à Tom en disant cela. Lucy et moi, nous en avons profité aussi mais pour Tom, héros longanime de ces Brooklyn Follies, ce fut sans doute la décision la plus importante de sa vie. »

... Eh non, ce ne pas là le monologue de Flash McQueen dans Cars, mais celui de Nathan Glass, narrateur du dernier roman de Paul AUSTER sorti en France en format de poche.

Nathan est un New Yorkais de soixante ans, fraîchement retraité d'une compagnie d'assurances vie à Manhattan. C'est un peu le man Nathan, le Man-Hattan, l'homme lambda de Manhattan. Il a durant ces derniers mois subi l'annonce d'un divorce puis d'un cancer. Il se remet de son cancer, vend sa maison, achète un appartement à Brooklyn et retombe par hasard sur Tom, son neveu lettreux.

Nathan est le narrateur de son histoire, mais il nous dit que c'est Tom qui en est le personnage principal. A défaut d'être un "héros" en dehors de ce "récit d'une vie de retraité", Tom est un personnage vaguement attachant... ou vaguement chiant, c'est selon. Aussi, je suis bien content au moment où je me rends compte que Nathan digresse, et s'éloigne de Tom.

Dix ans après les scenarii de Smoke et Brooklyn boogie, Paul Auster signe ici un roman d'apparence simple, au message simple, à la psychologie simple. On est loin des constructions complexes de romancier expérimental, façon Cité de verre. Au départ, l'histoire de Nathan ne paye pas de mine, et le quotidien d'un néo-retraité n'est pas un sujet a priori des plus passionnants. Mais Auster s'y connaît et nous connaît, et on n'a pas lu 50 pages qu'on est accro à Brooklyn Follies comme à un bon polar. Il se dégage à la lecture de ce bouquin l'impression que l'auteur a tout prévu, tout anticipé pour nous prendre au piège, pour forcer notre respect. Echos, confirmation, effets de surprise : l'intrigue n'est pas linéaire mais en forme de spirale. On ne croit pas longtemps à la petite musique du hasard, et lorsque Nathan abat ses cartes, lorsque Auster avance ses pièces, on les suit tous deux sur la diagonale de la folie humaine.

Des follies qui n'ont rien d'extravagant, de simples faits banals dans des vies banales mais qui, mis bout à bout, font fortement sens. Nathan reconstruit ainsi une gallerie de portraits familiaux, et Paul Auster anticipe le traumatisme du 11 septembre 2001. C'est le jour improbable où 2 973 vies banales ont cessé.

Un "road novel", une éducation sentimentale, un feuilleton américain, une hagiographie, des histoires d'amour ou de simple attirance, un roman de société, une topographie de Brooklyn. Brooklyn follies c'est tout ça.


364 pages, coll. Babel - 8,50 €

6 commentaires:

Tanguy a dit…

Miam !

Nicolas a dit…

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ton intervention dans son intense globalité.

Anonyme a dit…

Je termine la trilogie new-yorkaise... et "Brooklyn Follies" trone déjà dans ma pile en attente ;-)

Cette chronique me donne encore davantage envie de m'y plonger!

SysTooL

Nicolas a dit…

J'en suis bien content !
:)

Anonyme a dit…

On a plutôt le même avis sur ces Follies... bien vue le coup du Man-Hattan !

Nicolas a dit…

Salut Emma, oui je crois qu'on est d'accord. Je redonne le lien vers ton billet : ICI
A+
:)