04 juillet 2006

Pulp

Dans la catégorie des vieux dégueulasses, Charles BUKOWSKI (1920-1994), alias Buck, est sans doute le plus doué et le plus touchant.

Ses bouquins sont le plus souvent largement autobiographiques. Et c'est bien pour ça qu'ils nous donnent quelques frissons, nous dégoûtent, nous font marrer jusqu'au lendemain... J'avais déjà lu Women, sorte d'hommage aux femmes en général, à la façon Bukowski. Parmi les autres titres que vous connaissez peut-être : Souvenirs d'un pas grand-chose, Journal d'un vieux dégueulasse, Le Ragoût du septuagénaire, et les Contes de la folie ordinaire.

Bukowski dédie son dernier roman, Pulp, "à la littérature de gare". Le héros du bouquin est en effet un privé, Nick Belane, qui tient beaucoup plus du privé à Babylone de Brautigan que du Philip Marlowe de Chandler. Autrement dit, c'est un looser, pas un dur à cuire. Certes il n'a pas le défaut de s'absenter pour Babylone à longueur de temps, mais c'est un alcoolique bien imbibé, et la porte de son bureau ne ferme pas à clef.

Donc, ce ne sont pas moins de 4 enquêtes qui tombent sur les bras chétifs de Belane. L'action se déroule en 1993 à L. A.

La première enquête lui est confiée par une grande bonne femme qui ressemble à une pute créole. Elle se fait appeler la Grande Faucheuse et recherche un certain Céline. Un type français qui aurait fait croire à sa mort en 1961 : « Lui et Hemingway sont morts à un jour d'intervalle. Il y a trente-deux ans de ça. » Hemingway est bel et bien mort, mais pour l'autre... on a aperçu à L. A. une silhouette qui pourrait bien être la sienne...

Ensuite, il y a cette enquête de moeurs : Jack Bass, un boursicoteur, soupçonne sa jeune et jolie femme Cindy de fricoter avec un Jules. Pour un peu, il soupçonnerait même les extra-terrestres...

Tiens, justement ! La troisième enquête de Belane, ça consiste à aider Grovers, croque-mort sinistre, à se débarasser des visites inopportunes de Jeannie Nitro, une alien qui s'amuse à passer à travers les plafonds et à incarner les frais cadavres.

Or il y a au moins un lien entre ces trois premières enquêtes : c'est John Barton. Un type qui a une confiance absolue en Belane, et qui a conseillé à la Grande Faucheuse, à Bass et à Grovers de faire appel à ses services. Pour 6 dollars de l'heure... Barton lui-même confie à Belane sa quatrième mission : retrouver la trace du Moineau Ecarlate. Rien que ça !

Bukowski prend plaisir, on le voit, à mêler le fantastique et le polar pour rendre hommage, à sa façon, au roman de gare. Mais Pulp est avant tout un bouquin signé Buck, qui sent la bière, l'animal et le vieux pet. Toutes les figures féminines ici présentes transpirent évidemment de sexualité, et Belane bien malgré lui ne peut se vouer qu'à son boulot, et aux courses de chevaux (ça me rappelle Fantasia chez les ploucs de Charles Williams).

Le narrateur - Belane, qui dit "je" et parle au passé - ne cesse de faire des allers et retours entre l'intrigue policière et une sorte de philosophie de comptoir : « Nous sommes vraiment des êtres répugnants, programmés pour nous épuiser, notre vie durant, à accomplir de sordides petites tâches. Se remplir le ventre et lâcher des pets, nous gratter l'échine et nous souhaiter de joyeuses fêtes avec le sourire de circonstance. (...) Réfléchissez au nombre de fois où vous avez changé de slip dans votre vie, et tirez-en la conclusion qui s'impose. Consternant, dégoûtant, stupide, non ? »

Bukowski, le gars qui a élevé le pipi, le caca, le zizi et tout le reste au rang de chose littéraire. Non, sans blague.


184 pages, coll. Livre de Poche - 4,00 €
Lire les premières pages en V.O.
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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Le pet, rien que ça ? Je me contenterai de la bière et de l'animal ce soir (quoique, si l'envie m'en prend...)
Allez les Bleuuuuuuuus !

Anonyme a dit…

Ah ben non, pas que le pet : le foutre, le trouduc, les pieds, les aisselles, le vomi, la chiasse, la chaude pisse... Bukowski, c'est pas Alexandre Dumas, quoi !
:)